Préface par le Coordinateur Humanitaire
La République centrafricaine demeure un pays fragile. Meurtrie par plusieurs années de conflit dont l’impact perdure, elle doit faire face à des défis tant structurels que conjoncturels. Ces derniers mois, la violence a connu une fréquence et un niveau qui ont fait de l’année 2017 celle de toutes les inquiétudes. De multiples foyers de tension ont vu le jour à travers le pays et ont gagné des régions qui autrefois jouissaient d’une certaine stabilité. Cet embrasement a considérablement accru les besoins humanitaires et provoqué des vagues de déplacement que la Centrafrique n’avait plus connu depuis 2014. Plus de 600 000 personnes étaient déplacées internes au mois de novembre 2017 et plus de 500 000 réfugiées dans les pays voisins. Les acteurs humanitaires aussi ont été particulierement touchés par cette violence avec 14 collègues tués alors qu’ils apportaient de l’aide aux personnes dans la détresse. Le Plan de reponse humanitaire de 2018, que j’ai l’honneur de partager avec vous, a pour vocation d’apporter une assistance efficace, avec une adaptabilité de nos modes opératoires aux défis d’accès et ce conformément aux principes humanitaires dans un contexte sécuritaire délétère persistant.
L’évaluation des besoins humanitaires indique qu’ en 2018, 2,5 millions de Centrafricains auront besoin d’une assistance multiforme pour survivre, soit plus de la moitié de la population. L’ ensemble du pays est touché. En 2017, le Sud-Est a été particulièrement affecté et les affrontements entre groupes armés dans cette région ont atteint un niveau inégalé. Le Plan de réponse humanitaire s’ élève à 515,6 millions de dollars. Structuré autour de trois piliers - Sauver des vies, Respecter les droits fondamentaux et Préserver la dignité humaine - il permettra de répondre aux besoins vitaux de la population affectée. Face aux défis opérationnels, notamment liés aux contraintes sécuritaires et logistiques, la communauté humanitaire continuera de développer et mettre en oeuvre des projets et des mesures adéquates pour s’adapter à l’ évolution du contexte et assurer une réponse adaptée, rapide et efficace. Notre action, menée de concert avec les acteurs du relèvement et du développement pour assurer une réponse efficace destinée à sauver des vies, devra alléger la souffrance et la détresse de centaines de milliers de Centrafricains. Elle devra aussi réduire la vulnérabilité des communautés affaiblies par des crises successives et renforcer leur résilience. Cela contribuera également à leur donner la capacité de jouer pleinement leur rôle dans la réconciliation locale et nationale et de ce fait, de donner plus de chance au relèvement et développement du pays.
Les déplacements successifs et imprévisibles de population demeurent une problématique majeure dans la mesure où ils affectent 25% de la population (déplacés internes et réfugiés). A cela s’ajoute l’inquiétante réduction de l’ espace humanitaire qui est la conséquence d’une combinaison de plusieurs facteurs, notamment, la dégradation de la situation sécuritaire dans certaines zones et la détérioration des infrastructures routières. L’ accès à certaines zones nécessite des moyens logistiques et opérationnels innovants mais onéreux. A titre d’exemple, le coût du frêt est passé de 1 dollar le kilogramme en 2015 à 3 en 2016 soit une augmentation de 300% en moins de deux ans. Simultanément, depuis 2014, le financement du Plan de réponse a poursuivi une baisse constante alors qu’ à l’inverse, les besoins ont considérablement augmenté. Ce sousfinancement ne doit pas être sous-estimé étant donné l’ampleur des besoins, les risques encourus à perdre les gains acquis à ce jour mais aussi l’impact sur la région.
La générosité et la solidarité des bailleurs vis-à-vis de la population centrafricaine ont déjà permis à la communauté humanitaire d’apporter une assistance aux personnes dans le besoin et de sauver des milliers de vie lors des multiples crises qui ont frappé la Centrafrique en 2017.
Avec le présent Plan et dans l’ esprit du « Grand Bargain », je réitère mon appel aux bailleurs à maintenir les efforts consentis et les accroître pour permettre à la communauté humanitaire de venir en aide aux centaines de milliers de personnes vulnérables qui ne peuvent compter que sur cette assistance pour couvrir leurs besoins et pour se reconstruire.
Je voudrai conclure mon propos, par un hommage solennel à nos valeureux collègues qui ont perdu la vie en sauvant celle des autres. Je voudrais également chaleureusement féliciter la communauté humanitaire en Centrafrique pour le travail remarquable et périlleux qu’ elle accomplit dans des conditions extrêmement difficiles.
Ensemble, consolidons les convictions qui nous ont fait dépasser les défis pour sauver toujours plus de vies et alléger davantage les souffrances des populations. Telle est notre contribution à l’ édifice de la paix en Centrafrique et à un avenir meilleur pour ces enfants, ces femmes si courageuses et ces hommes, que nous rencontrons tous les jours sur le terrain, et qui aspirent au vivre ensemble.
Najat Rochdi
Coordonnateur Humanitaire